Je me levais et sortais du cours avant que quiconque n’ai eu le temps de remarquer que le carillon de la cloche venait d’annoncer la fin du dernier cours de la journée. J’étais perdue. Complètement perdue dans mon inconscient et mes pensées. Par la disparition soudaine de Terrence. Par le trou béant qu’il avait laissé dans ma vie en s’évaporant. Comment peut-ou disparaître d’une telle façon ? Comment peut-on abandonner toutes les choses auxquelles on tient et celles en lesquelles on croit dur comme fer de cette manière ? Non, vraiment. C’était inconcevable. Ma vie sans lui était inconcevable.

- Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça devant mes amis, Hannah. Mais visiblement je n’ai pas été assez clair avec toi.

Je me dirigeais vers les escaliers mouvants et avant de m’arrêter net au beau milieu du couloir et de jeter un regard vers les voix. Je connaissais cette voix dure et glacée, mais j’étais incapable de mettre un nom ou un visage dessus. Je colla donc mon corps contre la paroi humide du mur, dans l’obscurité du couloir et continua d’observer l’échange. Je pouvais entrevoir un visage féminin encadré par de longs cheveux blond doré. La jeune fille semblait effrayée. Effrayée et désemparée.

*Toutes les qualités d’une Gryffondor…*, souriait alors une petite voix vicieuse que je ne parvenais jamais à contrôler dans ma tête.

J’adorais jouer les vipères. Espionner les gens et les faire marcher par la suite. Mais peut-être que cette fille là ne le méritait pas… Peut-être était-elle réellement alarmée par ce qui se passait devant ses yeux. Aussi j’ai pris la décision de sortir de ma cachette et de partir en sa direction le plus naturellement du monde. D’un petit coup sec, j’ai remis mes cheveux bien en place derrière ma nuque lorsque je suis arrivée à la hauteur du couple. J’ai croisé le regard implorant d’Hannah avant de détourner le mien sur celui du garçon. Et mon petit jeu mesquin c’est arrêté.

- Alana ?

Non ! Je ne voulais vraiment pas ça. J’ai rapidement regretté de m’être aventurée ici. Par Merlin, qu’avais-je fait de si terrible aujourd’hui pour mériter ça ? Rien de bien méchant. Je crois. Je me suis retournée lentement sur moi-même, faisant face à cette voix qui ne m’était plus si inconnue. Durant un long laps de temps le silence s’est emparé du couloir entier. Un silence austère et rigide. Implacable. La petite Hannah a profité de se moment pour prendre les jambes à son coup et disparaître au premier couloir dans un bruit de tissu. C’est peut-être ce qui nous à fait reprendre conscience de la réalité.

- Tiens dont, qu’est-ce-que nous avons, là ?, soufflais-je de ma voix la plus cynique. Un serpentard qui effraye les quatrièmes années dans les couloirs.

Mon visage s’est alors étiré dans une moue insolente, mais qui n’a pas fait baisser les yeux de mon camarade.

Elle l’avait sérieusement mis en rogne à l’avoir appelé de cette manière. Pour qui se prenait-elle cette petite Poufsouffle de quatorze ans à tout casser ? S’il y avait bien une chose que Ceyan détestait plus encore que la voix de son paternel, c’était ca ! C’est pour cela qu’il l’avait immédiatement attrapé par le bras sans le moindre discours et l’avait entraînée dans ce couloir humide et abandonné. Elle le regardait de ses petits yeux bleus apeurés, et tout en elle lui inspira alors un profond dégoût. *Il ne faut pas monter sur ses grands chevaux et prendre trop d’aises quand on a peur d’un serpentard, ma jolie... *, pensa-t-il alors avec tout l’immoralité qui faisait de lui ce qu’il était.

- Je t’ai déjà dit de ne pas m’appeler comme ça devant mes amis, Hannah. Mais visiblement je n’ai pas été assez clair avec toi.

Le visage de la petite blonde se décomposa, et elle céda à la panique. Ceyan pouvait entendre le murmure haletant de sa respiration saccadée. Il ne pu réprimer un sourire sordide. Cette situation l’amusait au plus au point. Il prenait son pied en blessant et torturant son petit monde. Il pensait peut-être que ce n’était qu’une mince compensation de son enfance dénuée de tout amour.

- Le problème avec vous, les petites, c’est que vous adorez les serpentard, mais… vous oubliez souvent la raison pour laquelle nous avons été envoyés dans cette maison & non pas chez Gryffondor…

Le ton méprisant de sa voix transpirait le dédain et la cruauté. Hannah semblait sur le point de s’évanouir, jamais personne n’avait du lui parler de cette manière. Mais Ceyan se délectait de sa petite mine terrifiée. Il s’en délectait jusqu’à ce qu’il entende un bruit de pas étouffé par le tapis verdâtre du couloir. Hannah et lui tournèrent leurs regards vers la silhouette qui se dessinait vaguement dans le corridor. Ce ne fut que lorsqu’il reconnut ces longs cheveux bruns qui flottaient doucement que son humeur insolente redoubla d’intensité.

- Alana ?, murmura-t-il doucement à l’attention de la Serdaigle.

Et elle posa son regard dédaigneux dans le sien. Cette fille lui avait toujours inspiré attirance. Elle était si hautaine et désagréable que Ceyan n’avait jamais comprit s’il éprouvait plus de la haine ou de l’envie à son égard. Et cette sensation d’incompréhension le troublait au plus au haut point. Avant qu’il n’ait pu s’en rendre compte, Hannah se volatilisa derrière sa cape de sorcière.

- Tiens dont, qu’est-ce-que nous avons, là ? Un serpentard qui effraye les quatrièmes années dans les couloirs.

Alana esquissa un sourire. Répugnant. Ceyan trouvait son sourire absolument répugnant. Car c’était le même sourire qu’il faisait lorsqu’il s’amusait d’une situation des plus tordues. Avec Hannah, par exemple.

- Ne viens pas jouer les modèles de vertus avec moi. Je te connais. On est pareil, toi & moi.

Je plongea mon regard dans celui du serpentard. Ses yeux sombres laissaient transparaître toute la haine qu’il éprouvait à mon égard à cet instant. D’autant que je me souvienne, il n’avait jamais été aussi effrayant et beau à la fois. Un étrange mélange d’aversion et d’envie naissait dans ses pupilles.
Le sourire que mes lèvres dessinaient ne s’effaça pas devant l’imposance de sa posture. Au contraire, il s’élargissait encore un peu plus à chaque minute qui s’écoulait.

- Je ne joue à rien avec toi, Ceyan… lâchais-je de ma voix la plus mielleuse et aussi la plus fausse.

Le visage du jeune homme se décomposa en un rictus qu’il accompagna d’un rire amer. Une chose était sure, entre nous c’était à qui rendra l’autre plus fou. Et cette petite discussion que nous partagions en était encore une preuve évidente.
Il se redressa alors de toute sa hauteur, me dominant d’une tête et de sa prestance si magnétique qui me faisait toujours perdre mes moyens.
Il ne pouvait pas gagner à ce jeu là ! Non, pas aujourd’hui ! Je ne pouvais pas le laisser faire, le laisser me rendre plus folle que lui.

- Tu es si imbu de ta personne, mon cher... On dirait moi.

Il éclata d’un rire sonore que les murs de pierre répercutèrent durant longtemps, puis baissa son regard havane sur moi. Moi qui lui jouais mon sourire le plus imparfait. Celui de la victoire qui se rapprochait à petits pas silencieux.
Ce fut la seconde fois que son propre visage le trahit : la petite ride qu’il avait à la tempe droite se rétracta doucement. Ce fut la seconde fois que mon sourire le faisait baisser sa garde. Ce fut également la seconde manche de ce match que je gagnais. Deux points à zéro, je prenais la tête, & de loin. Si j’arrivais à la troisième manche, je gagnais en invaincue : un petit trophée de plus à accrocher dans ma mémoire.

- C'est ce que je viens de dire, ma jolie. Nous sommes identiques. Le seul problème, c’est que tu es encore trop naïve pour t’en rendre compte, et que tu rejettes cette idée comme la peste… Mais tôt ou tard, tu comprendras… Exactement comme moi.

Touchée… Coulée. A mon tour de perdre. Et de railler la ligne « victoire par K.O » de mon esprit. Qu’à cela ne tienne, ce n’était que le début. Le début d’une longue histoire d’attirance & de mépris qui ne s’achèverait pas de sitôt.
Je fis un pas en avant, rapprochant mon corps fébrile de celui de Ceyan qui esquiva un mouvement de recul : il savait pertinemment que s’approcher de trop près, c’était prendre le risque de se voir flancher & de perdre définitivement.

- Je ne serais jamais comme toi, Ceyan. Je ne serais jamais aussi égocentrique et cruelle que toi. Maintenant tu sais que tu me surpasses sur au moins deux choses…, soufflais-je dans le creux de son oreille, le ton de ma voix vomissant toute la rancœur que j’éprouvais à son égard. Et tu sais ce qui est le plus drôle dans cette histoire ? C’est que tu te persuades que tu peux m’avoir simplement en me jouant le rôle du garçon intouchable et inaccessible. En me faisant passer pour celle qui ne t’auras jamais… Mais… Tu as tord, Ceyan. Tu as tord sur toute la ligne. Parce que c’est toi qui ne m’auras jamais. Jamais.

Le visage de Ceyan resta de marbre, il commençait sérieusement à se demander où cette histoire et ce jeu malsain les entraineraient. Certes, il n’y avait pas plus cynique, or le cynisme l’attirait plus encore qu’Alana, mais ce qu’ils étaient en train de faire, la tournure que prenait leur relation, commençait réellement à l’agacer.
Les yeux toujours plantés dans ceux de sa partenaire, il esquissa un sourire vers lorsqu’elle cette dernière se rapprocha d’elle. * Il ne faudrait pas tenter le diable, ma belle…* En l’occurrence, le diable, c’était lui. Lui et sa foutue manière de fléchir quand la bleue s’approchait d’un peu trop près.

- Je ne serais jamais comme toi, Ceyan. Je ne serais jamais aussi égocentrique et cruelle que toi. Maintenant tu sais que tu me surpasses sur au moins deux choses… Et tu sais ce qui est le plus drôle dans cette histoire ? C’est que tu te persuades que tu peux m’avoir simplement en me jouant le rôle du garçon intouchable et inaccessible. En me faisant passer pour celle qui ne t’auras jamais… Mais… Tu as tord, Ceyan. Tu as tord sur toute la ligne. Parce que c’est toi qui ne m’auras jamais. Jamais.

Le ton de sa voix sifflante dans son oreille réveilla en lui cette étrange sensation dans le ventre, cette même sensation qui provoque un sentiment de malaise, ajouté à un frisson dans l’échine.
Ceyan repensa alors à leur première rencontre & plus particulièrement à l’intonation qu’avait pris la petite fille de l’époque pour montrer que, visiblement, elle se foutait pas mal de lui, & qu’elle était impalpable. Contrairement à lui, qui été venu s’immiscer dans sa petite vie tranquille comme un insecte dangereux. Comme quoi, il n’avait pas toujours été le même homme.
Mais le serpentard ne pouvait pas se décider à la laisser gagner, et à la laisser partir pour de bon. Il s’écarta brusquement, attrapa la jeune fille par les épaules et plongea de nouveau son regard dans le sien, un rictus mauvais ancré au coin des lèvres. De ses gestes fermes, il la forçait à l’écouter.

- Tu ne m’auras pas comme ça, Alana. En tout cas, pas en prétendant avoir gagné d’avance. Parce que contrairement à toi, je ne suis pas facilement impressionnable. Tu es peut-être la pire garce que je n’ai jamais rencontrée, tu n’en restes pas moins plus faible que moi. Tu ne pourras pas changer, ça. Tu es comme moi, mais en plus fragile & en plus sensible. Tu n’es qu’une version plus romancée de ma vie, c’est tout. Et ne crois pas que je me laisserais embobiner par tes petits excès de violence, comme tu viens d’en faire, parce que ca ne marche pas avec moi.

Ceyan venait de marquer le point qu’il attendait avec tant d’impatience. Il le sût en voyant Alana se dégager de son étreinte, et lâcher son sac sur le sol tapissé du couloir. Il le sût en observant le visage de la jeune fille se décomposer en une moue insolente : il l’avait mise à bout. Elle bouillait intérieurement, ruminant sûrement une manière encore plus écœurante de lui faire payer ce qu’il venait de lui dire. Ceyan se mit à sourire. Elle n’était pas du genre à se laisser marcher sur les pieds, & il savait elle aurait du répondant lorsqu’elle se vengerait. Mais pour l’heure, elle semblait plus sereine que de raison face à une situation pareille. La vengeance ne sera donc pas pour tout de suite.

- Félicitations Ceyan, persiffla-t-elle soudain, claquant dans ses mains. Tous ces gestes respiraient l’ironie. Elle avait sûrement trouvé la meilleure des ripostes. C’est fini ? Tu arrêtes la psychanalyse, ici ? Alors à mon tour de t’en toucher deux mots. Je ne suis pas qu’une vulgaire réplique de ta misérable vie. Je ne suis pas faible, mais tu as raison, je suis bel et bien une garce. Et tu sais quoi ? Je crois surtout que tu as du mal avec les filles qui te résistent, que tu es incapable de gérer cela. Même pire, ca te fait peur.

Je stoppa mon discours, jetant un regard glacial à Ceyan qui était resté aussi figé qu’une statue tout au long de mon monologue. Très bien, j’avais peut-être abusé. J’étais peut-être allé trop loin, été trop garce que je ne pouvais l’être. Je souffla longuement. J’étais surpassée. Abusée par les évènements. J’avais pris un gros risque en lui déballant tout cela aussi sèchement, il allait sûrement me haïr encore plus maintenant. Cette haine qui consume tout sur son passage, ne laissant que tristesse, vide & désespoir. Et je ne voulais pour rien au monde que notre relation se vide, qu’elle fasse pleurer, qu’elle fasse brûler, mourir.

- Excuse-moi, murmurais-je alors doucement, baissant la tête & baissant ma garde pour la première fois depuis le début de notre altercation.

Tout ce que le serpentard trouva à me répondre, ce fût un rictus mauvais qui déforma son visage ovale et dur. Dès lors, je fus sûre d’une chose : je l’avais blessé. Profondément blessé. Aussi bien dans son égo que dans son cœur, je pouvais le lire sur son visage et au fond de ces yeux bruns. J’avais été trop ignoble avec lui, encore une fois. Comme à chaque fois que nos discussions prenaient des proportions démesurées. C’était tellement étrange ! Avec Ceyan, je n’arrivais jamais à me contrôler, c’était plus fort que moi, plus fort que tout. Une puissance externe s’emparait de mon corps, & j’explosais, littéralement, sans même m’en rendre compte.

- Bravo.

& comme je venais de le faire un peu plus tôt, Ceyan applaudit, faisant résonner les paumes de ses mains bruyamment. Il avait raison, la vengeance est un plat qui se mange froid. Moi je n’avais peut-être pas réussit à gérer cela, je l’avais mangé ardente, et je m’étais brûlée. Bêtement & simplement.
Je soupira, serrant les dents le plus fort possible, jusqu’à ce qu’il cesse enfin de frapper dans ses mains.

- Tu es cruel.
- Pas plus que toi, répondit-il dans un souffle, d’une voix qui n’attendait pas de réplique.

Mon visage se fondit en une moue douloureuse. Touchée, coulée. Le remake de ma vie ; un implacable recommencement de douleur puis de lucidité, puis la douleur de nouveau. Ce n’était qu’un putain de cercle vicieux qui revenait toujours à son point de départ. Inlassablement, inexorablement. Sans que je ne puisse jamais l’en empêcher. Et à visiblement, le jeune homme semblait en savoir plus long que moi sur le sujet, puisque rien ne semblait l’atteindre, ni lui faire mal. Rien du tout. Jamais.

Fatiguée, meurtrie, je me laissa aller contre le mur de pierre cendré, le regard inexpressif.

- Il faut que ca cesse.

De quoi parlait-il ? Je n’osais même pas imaginer ce qu’il avait en tête ; il était si complexe que cela m’aurait été impossible, même avec tout le courage du monde. Malgré tout, une idée, absurde et irrationnelle, naissait doucement dans ma tête. Non, c’était utopique. Ca ne pouvait pas cesser. Ni aujourd’hui ni jamais. Nous étions nés pour entretenir cette relation, pour se déchirer, s’entretuer au fond. C’était donc inimaginable.

- Tu sais très bien qu’on en est incapable! Ca ne s’arrêtera jamais! Ou peut-être que si, pendant quelques temps. Mais tu sais aussi bien que moi que tôt ou tard, & même si on fait tout pour éviter ca, ca recommencerait. On ne peut pas se séparer Ceyan. Je le sais… Tu fais partie de moi, et moi de toi, peu importe que ce soit en bien ou en mal. Depuis toujours ca fonctionne comme ca, entre nous. On ne peut pas lutter contre quelque chose qu’on ne voit pas, qu’on ne sent pas, mais qui nous contrôle à chaque instant. On ne peut pas…

Il s’était mis à sourire. De son plus beau sourire, de celui contre lequel je ne pouvais rien. Celui qui me pétrifiait, de peur ou de convoitise, je n’avais jamais réussit à savoir.

- Pas plus que toi.

Le ton de sa propre voix lui faisait peur. Il était si dur, si violent et si accusateur à la fois. Le regard d’Alana se brisa en une douleur noire. Ses lèvres se pincèrent & elle laissa son corps s’adossa contre la paroi du mur.
C’en était fini de leur jeu. Fini de tout ce qu’ils avaient crût être la meilleure des relations. La plus drôle, la plus excitante. C’était fini. Quelque chose venait de se briser de la même manière que cela avait commencé, sur une note de haine et d’amertume.

- Il faut que ca cesse, souffla doucement Ceyan, devenant nostalgique à son tour. Mais ses propres paroles l’étonnèrent, elles étaient sorties sans qu’il ai eût la force de les retenir. Lapsus plutôt révélateur, non ? Pourtant, il ne voyait pas sa vie sans Alana, pas une seule minute, pas un seul instant. Jamais. Elle était devenue au fil des années un tout dans la vie froide de Ceyan, le petit coin de paix, la présence rassurante & stable. Elle était devenue la seule chose à laquelle il s’accrochait encore, & il ne s’en n’était jamais rendu compte avant ce jour. Elle était son rêve & sa force en même temps. Il avait réunit sa vie en une seule personne, en un seul être, pourtant si fragile. Il n’y avait qu’elle. Et il venait de la perdre.

- Tu sais très bien qu’on en est incapable. Ca ne s’arrêtera jamais. Ou peut-être que si, pendant quelques temps. Mais tu sais aussi bien que moi que tôt ou tard, & même si on faisait tout pour éviter ca, ca recommencerait. On ne peut pas se séparer Ceyan. Je le sais… Tu fais partie de moi, et moi de toi, peu importe que ce soit en bien ou en mal. Depuis toujours ca fonctionne comme ca, entre nous. On ne peut pas lutter contre quelque chose qu’on ne voit pas, qu’on ne sent pas, mais qui nous contrôle à chaque instant. On ne peut pas...

Et Ceyan se mit à sourire, purement et simplement. Il la retrouvait, maintenant, sa petite Alana. Pas la fille vide et cruelle qu’elle était devenue, mais cette femme fière et racée. Un petit bout de femme plus déterminée et sûre d’elle que n’importe quelle autre personne sur terre. C’était sans nul doute pour cette raison qu’elle lui était devenue indispensable, qu’elle était la seule personne encore capable de le faire respirer.
Doucement, le serpentard s’approcha de la jeune, et passa la paume de sa main le long de sa joue, inhalant le parfum qui émanait de ses cheveux bruns et ondulés. Ces mêmes cheveux qu’il avait tant de fois enroulés autour de ses doigts, lors de leurs petits rendez-vous secrets. Ceyan posa alors délicatement ses lèvres sur celles d’Alana, durant quelques secondes, tout au plus, savourant une ultime fois la douceur de ce plaisir défendu et maladroit. Relevant les yeux vers elle, après avoir mit fin au baiser, le jeune homme colla son front contre celui de la brune, et murmura quelques mots dans un souffle abattu.

- Tu as raison sur deux choses, ma belle. La première, c’est qu’on ne peut pas lutter contre ce lien qui nous unit, parce qu’on ne serait pas ici, maintenant, dans ce couloir, si on le pouvait. La deuxième, c’est que tu fais partie de moi, Alana. Mais les deux sentiments que j’éprouve à ton égard sont si forts que… je ne sais pas lequel prime sur l’autre, et j’en ai assez de chercher inlassablement la réponse. C’est pour ca qu’il faut que ca cesse.

Pour la seconde fois, Ceyan sentit la serdaigle se briser de l’intérieur, se consumer, mourir doucement. Et pour la seconde fois, il regretta ses paroles. Mais il se devait de faire un choix, et il venait de le faire.

Je me sentis faiblir. Ce discours était sorti sans que je ne puisse le contrôler. Les mots avaient jaillis de ma propre bouche sans que je ne m’en sois rendu compte. La vérité éclatait d’elle-même, dans une douleur implacable & assassine.
Ceyan me sourit & s’approcha de moi d’un pas félin, attirant. Extrêmement attirant. Plus dangereux que jamais. Il baissa son visage à ma hauteur et scella nos lèvres. Comme toujours après une dispute de ce genre, bien qu’aucune n’est jamais atteint ce niveau si violent de haine et de répulsion mutuelle.
Dans un hoquet de surprise, je me laissa aller dans l’insondable profondeur de notre relation, dans l’immoralité des lèvres pâles du serpentard, passant mes bras autour de son coup, me hissant sur la pointe des pieds.
Petite bulle de bonheur frêle.

- Tu as raison sur deux choses, ma belle, me murmura doucement le jeune homme de sa voix grave, une fois notre échange fini. La première, c’est qu’on ne peut pas lutter contre ce lien qui nous unit, parce qu’on ne serait pas ici, maintenant, dans ce couloir, si on le pouvait. La deuxième, c’est que tu fais partie de moi, Alana. Mais les deux sentiments que j’éprouve à ton égard sont si forts que… je ne sais pas lequel prime sur l’autre, et j’en ai assez de chercher inlassablement la réponse. C’est pour ca qu’il faut que ca cesse.

Et à nouveau, je me sentis faiblir. Je sentis mon cœur se resserrer dans une souffrance amère au fond de ma poitrine.

- Ceyan…

Ce fût la moindre chose que je pus encore balbutier, en sentant tout mon corps exploser de l’intérieur tant le mal que j’éprouvais me donnait la nausée. Ceyan. Ce nom qui signifiait tellement. Qui signifiait toute ma vie, tout mon supplice & ma peine. Ceyan. La seule personne qui me comprenait encore et qui me haïssait d’autant plus. Ceyan. Ceyan. Ceyan…
Les larmes perlaient déjà au coin de mes yeux, brouillant la vision de son visage dur mais si angélique face à moi. Mon cœur manqua un battement lorsqu’il s’écarta et tourna la tête vers l’autre côté du couloir. Il avait choisi… il venait de choisir. Il venait de partir. Pour de bon. Pour toujours.

- Ceyan… s’il te plaît… les larmes roulant doucement sur mes joues rouges.

Aucune réponse. Pas même un regard. Simplement une respiration saccadée, celle d’un cœur qui battait la chamade.

- Reste… ne pars pas… ne gâches pas tout…

Je luttais. Sincèrement, je luttais. Je tentais tout mon possible pour le garder. Pour qu’il ne disparaisse pas comme l’avait fait Terrence, il y a quelques mois. Je ne voulais pas revivre ça. Je n’y aurais pas survécut. Pas sans Ceyan. N’importe qui mais pas lui. Pas lui parce que tout mon monde tournait autour du serpentard, tout ce que j’avais construit, tout ce que j’avais aimé. Il était mon tout. Mon attache. Ma vie. Tout.

- Je ne gâche rien, Alana. Je change les règles du jeu, voilà tout, me lança-t-il alors en tournant son visage impassible vers le mien.

Les règles du jeu ? Quel jeu ? N’avait-il pas comprit que je venais de me sacrifier pour lui ? De perdre une bonne fois pour toute ? Qu’il n’y avait maintenant plus de jeu, mais qu’il y avait « nous » ? Visiblement, non…. Je m’étais trompée.

- Je ne veux plus jouer, Ceyan… je ne veux plus. Je veux…
- Tu me veux moi. Je sais, me coupa-t-il, sa voix résonnant de rage, c’est réciproque. Mais ca ne sera pas pour tout de suite. Ni pour jamais, je crois.

Un sanglot éclata dans ma gorge. J’avais perdu. Je l’avais perdu. Touchée… coulée.

Les règles du jeu. C’est tout ce qu’il avait trouvé de mieux à dire pour cacher sa faiblesse. Alana. C’était elle, sa seule faiblesse. Ceyan se souvint alors du but premier de le petit jeu affreusement cynique : il fallait se rendre fou mutuellement, se pousser à bout. Il se rendit compte que depuis le début, il était dans le faux. Il avait faux. Sur toute la ligne. Parce qu’elle l’avait rendu fou bien avant que cette relation ne commence entre eux. Elle l’avait rendu fou à l’instant même où il était entré dans ce compartiment. C’était Alana la gagnante. Sur tous les plans.

- Je ne veux plus jouer, Ceyan… je ne veux plus. Je veux… sanglota la serdaigle entre deux hoquets.
- Tu me veux moi. Je sais, c’est réciproque. Mais ca ne sera pas pour tout de suite. Ni pour jamais, je crois.

Il avait été froid et dur et mauvais et mesquin et… et Alana fondait doucement en larmes sous ses yeux bruns. Et il ne bougea pas, restant impassible devant le spectacle troublant qui se jouait devant lui. Il la connaissait, demain, elle s’en serait déjà remise. Peut-être. Ou peut-être que non.

- Qu’est-ce-que t’attends, Ceyan ? s’écria la jeune femme d’une voix vomissant la rancœur, pleine de dégoût. Ses yeux crachaient tout leur venin, et le dédain qu’elle ressentait envers lui.

Ceyan la trouva encore plus belle. Malgré ses yeux rougis, malgré sa voix brisée par les larmes, malgré la haine qu’elle portait dans son corps, elle restait toujours la même fille déterminée et noble, qui n’hésitait pas un instant. Ni même du tout. Le visage du serpentard se fendit en un large sourire. Pas un sourire hautain ou moqueur, un sourire rassuré. Ce n’était pas fini. Le lien qui les unissait ne s’était peut-être pas totalement brisé sous l’effet de la colère. Il restait un espoir. L’espoir d’après lequel elle pourrait lui revenir, un jour. Ou celui d’après lequel lui, reviendrait & lui avouerait tout, et…

- Mais vas-t-en Ceyan ! Pars, bordel ! Dégage ! Ca t’amuse de me voir dans cet été, c’est ça ? Aller ! Tire-toi ! C’est fini tu m’entends ? Fini !

Le jeune homme ne pût qu’exécuter l’ordre de la brune. Elle était si décidée ! Alors doucement, et tout autant de prudence, il s’approcha d’elle, déposa un baiser sur son front humide et se retourna.

- Ce n’est pas la fin, Alana… ce n’est pas la fin, souffla-t-il de dos à elle. Il l’entendit soupirer et se laisser tomber sur le sol froid. Ceyan prit une profonde inspiration ; il espérait réellement que ce ne soit pas la fin. Plus que tout au monde. Lui jetant un ultime regard désolé, il remonta son sac sur son épaule, et traversa le couloir.

Alana. Pour toujours et à jamais. Alana.